Vie de l’association

L’intervention de Sophie Luchier

Mardi 4 novembre, dans le cycle de conférences « Villes et industries », madame Sophie Luchier, chargée d’inventaire du patrimoine au service du patrimoine culturel au sein du Département de l’Isère, a présenté les Métamorphoses urbaines des villes industrielles en Isère pendant l’Entre-Deux-Guerres. Son propos prolongeait sa visite guidée de l’exposition Métamorphoses urbaines. Un inventaire des villes à l’âge industriel (aux Arch. dép. Isère jusqu’au 28 mars 2026).

Ce sont plus d’une quarantaine de diapositives montrant notamment des photographies et des plans dont certaines dans des archives municipales qui ont permis de constater les nouvelles politiques urbaines à l’œuvre après la Première Guerre mondiale. Elles s’inscrivaient dans un mouvement plus ancien et à l’échelle européenne avec les perspectives d’Ebenezer Howard (1850-1928)[1] ainsi que les travaux de Tony Garnier (1869-1948) et son projet architectural de La cité industrielle dans les premières années du XXe siècle[2]. Il faut souligner dans le cas voironnais combien l’influence lyonnaise de ce dernier a dû être importante pour les concepteurs du plan de la ville (de même, trouverait-on également un héritage à Roussillon ?).

Les transformations s’inscrivent également dans le contexte des installations industrielles qui obligeaient à modifier l’espace urbain. Des vues de Brignoud, Vizille, Voiron, Beaurepaire ou encore Grenoble allaient dans ce sens. Au Grand-Lemps, peut-être parce que le foncier était resté détenu par quelques grandes familles, contrairement à la plupart des autres villes, le quartier de la gare ne se développât pas.

La loi Cornudet du 14 mars 1919, complétée en juillet 1924, qui entendait obliger les villes supérieures à 10 000 habitants à se doter d’un « plan d’aménagement, d’embellissement et d’extension », entraîna une multiplication des projets[3]. Il s’agissait d’assainir, d’ordonner et d’embellir. Une liste de localités intéressées a été retrouvée[4] et certaines, bien inférieures au nombre d’habitants requis, y figurent (par exemple, Autrans, Lans, Saint-Nizier-du-Moucherotte et Villard-de-Lans, montrant au passage que plaines et vallées n’étaient pas les seules concernées).

Sophie Luchier passait ensuite en revue différentes localités : Pont-de-Beauvoisin, Grenoble, Vienne (avec différents projets pas totalement réalisés sans doute du fait d’échéances électorales municipales mais également d’un contexte économique de crise en 1933), Voiron, Pontcharra (un projet tardif, 1929, peut-être pour laisser le temps à un industriel local de pouvoir s’établir sans être gêné), Saint-Martin-d’Hères mais aussi la petite localité de Jarrie avec un plan de 1935 découvert grâce au travail d’inventaire. Dans le cas de Bourgoin (1932), la mention du terme « zone » sur le plan laisse à penser que le document projeté correspond bien à une planification urbaine. La Mure ( ?), Le Versoud avec la cité du Pruney (1921) et bien entendu Grenoble avec le plan Jossely (1923)[5] complétaient la présentation.


[1] Pour préciser depuis le site de la Bibliothèque nationale de France : https://passerelles.essentiels.bnf.fr/fr/chronologie/construction/15cbd29d-2000-44a5-905a-04c424dd1371-cite-jardin-suresnes/article/3ac48925-abf8-4262-8746-1283feb3bc2f-histoire-cites-jardins

[2] Cette fois depuis le site des Archives municipales de Lyon : https://www.archives-lyon.fr/mini-site/cite_industrielle

[3] On pourra se reporter à Viviane Claude et Pierre-Yves Saunier, « L’urbanisme au début du siècle. De la réforme urbaine à la compétence technique », dans Vingtième siècle. Revue d’histoire, n° 64, 1999 en ligne : https://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1999_num_64_1_3889

[4] Arch. dép. Isère 178M4.

[5] Sur le site de Grenoble patrimoine : https://www.grenoble-patrimoine.fr/element/137/585-la-ville-laboratoire-1925-1968.htm

 

La « pause Archive »

Mardi 4 novembre 2025, les archives départementales de l’Isère inauguraient un nouveau type de présentation nommé « la pause Archives ». En une heure, Mathieu Rivero a présenté son travail de recherche consacré aux gantiers et métallurgistes grenoblois pendant l’industrialisation (1845-1939) en particulier grâce aux sources nominatives.

À partir de deux trajectoires biographiques -Jean-Baptiste Cotte (1822-1888) et André Gony (1893-1978), Mathieu Rivero a jonglé avec les différentes archives permettant de retracer l’histoire de quasi inconnus, à la suite des travaux initiés en France par Alain Corbin avec Pinagot qui reprenait lui-même, pour partie, ceux de la microstoria italienne qu’il s’agisse de Giovanni Levi, Simona Cerutti, Maurizio Gribaudi[1] ou de Carlo Ginzburg[2].

Du gantier Cotte, Mathieu Rivero passe à une liste de pétitionnaires où se trouve notre individu, son père et un frère qui demandaient la création d’un conseil des prudhommes à Grenoble (projet de 1841 réalisé dix ans plus tard). Il nous amène au cœur du mouvement mutualiste dont Grenoble fut dès 1803 une place forte. Des 406 signatures présentes sur la pétition, autour de 80% furent identifiées. À partir de cela, le chercheur présentait les différentes bases de données construites à partir des sources nominatives, les recensements, les actes d’état civil, les registres de matricules et d’autres encore…C’est une véritable prosopographie qui permet également de localiser les individus sur des cartes tirées des plans cadastraux en particulier rue Saint-Laurent. Mathieu Rivero utilise la notion de « fabrique collective », empruntée à Frédéric Le Play (1806-1882) pour souligner que la ganterie relie entre eux des individus pour élaborer un produit particulier dans des écosystèmes entre travail en ateliers et à domicile.

De son côté, André Gony, fils d’un autodidacte ardéchois provenant de la petite paysannerie et d’une mère issue d’un milieu d’artisans et de petits commerçants de L’Albenc, nous amène dans le quartier Saint-Bruno. De manière assez atypique à son milieu, il fut pris d’une véritable « frénésie d’écriture » au soir de sa vie ce qui permet de retracer sa carrière professionnelle ascendante. Celle-ci est mise en regard de celle de son frère. Les deux garçons passèrent par l’école Vaucanson qui était une des réponses du patronat grenoblois via son conseil de perfectionnement au besoin de former et de fidéliser une main d’œuvre qualifiée elles passèrent également par une formation privée dès 1911 chez l’entrepreneur Joya). André travailla vite et, après un passage par Paris, il revint à Grenoble pour être embauché à partir de 1921 dans ce qui devint Merlin-Gerin. Il finit agent de maîtrise, signe d’une authentique réussite. Ne le voit-on pas au début des années 1970, souriant, à la même table que celle du patron ? Son frère passa par des cours du soir avant d’ouvrir un atelier qui fut prospère avec entre 30 et 40 employés à un moment, toujours dans le même quartier.

Toutes ces trajectoires, contextualisées, se placent dans les pas d’Edward Palmer Thompson et de La formation de la classe ouvrière anglaise. Elles enrichissent la réflexion autour de la conscience de classe comme elles déconstruisent des présupposés. Mathieu Rivero note que des gantiers, loin d’être des misérables, et contrairement à J.-B. Cotte qui finit dans une situation d’ « indigence », pouvaient détenir des actions ou posséder des livrets de caisse d’épargne. Plus largement, le monde ouvrier est traversé par des mobilités professionnelles, géographiques et sociales.

Ainsi, l’exemple grenoblois permet de mieux connaître le microcosme du chef-lieu du département en même temps qu’il a une valeur exemplaire pour d’autres situations sociales urbaines à explorer[3].

 

Gilles Della-Vedova


[1] Maurizio Gribaudi, Itinéraires ouvriers. Espace et groupes sociaux à Turin au début du XXe siècle, Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 1987, 264 p.

 

[2] Dans l’émission Avec philosophie qui s’interrogeait dernièrement sur « Comment fait-on l’histoire », on pourra écouter Carlo Ginzburg sur France Culture : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/avec-philosophie/la-micro-histoire-carlo-ginzburg-en-quete-d-indices-5713444

[3] Les lecteurs désireux d’en apprendre plus du riche travail de Mathieu Rivero pourront consulter son article en ligne « Les dirigeants mutualistes grenoblois : des personnalités locales œuvrant à la régulation économique et sociale de la fabrique collective de gants (milieu du XIXe siècle ) dans la revue Siècles : https://journals.openedition.org/siecles/13024

 

Recension

 

Jean-François DUVIC, Mémoire des villages de la Raye. Se souvenir d’un monde qui change, Montélimar, imprimerie du Faubourg – Compographie, 2025

 

On ne se rend pas assez souvent dans la Drôme. Heureusement, non seulement l’ouvrage de Jean-François Duvic nous fait voyager dans un de ses territoires mais encore il donne envie de s’y rendre au plus tôt.

Arrivé durant les années 1970 dans la Raye, « un petit pays aux contours imprécis inséré dans un univers montagnard » mais que l’on situera au sud-ouest du massif du Vercors, de part et d’autre de la limite du Parc naturel régional, entre espaces de basse altitude à l’est de Chabeuil et également de plateaux et de montagne jusqu’à Léoncel et La Vacherie, l’auteur livre plusieurs indices pour le connaître et donc mieux apprécier son point de vue. Il appartient à une sensibilité sociale et politique qui entendait « retourner » dans le rural en réaction à une modernité urbaine face à laquelle, 50 ans plus tard, il continue à garder quelques animosités contre ses épigones incarnés par les trailers pressés et perturbateurs des sentiers d’altitude. À l’inverse, sa tendresse à l’égard de Jean Giono est bien plus palpable. Ainsi, son approche privilégie les « petits », ceux d’en bas (socialement) mais qui peuvent cependant être d’en haut (géographiquement). Ceci se retrouve dans des parcours de vies retracés avec une attention certaine à propos des croyances, des histoires et d’un véritable folklore (au sens fort du terme comme l’entendait Arnold Van Gennep) ; Jean-François Duvic sait se faire conteur. Toute une culture est décrite au sens des mentalités et également de manière plus matérielle et gustative avec des recettes de cuisine localisées mais sans pour autant les désigner comme autochtones. La démarche pleine d’empathie (le fait de s’être marié à une femme de la région a pu faciliter les échanges) et au long cours (l’ouvrage s’inscrit dans le prolongement de Gens de la Raye écrit en 2007) donne une épaisseur à la Mémoire des villages de la Raye.

Cependant, et peut-être contrairement à ce que le sous-titre – Se souvenir d’un monde qui change – pourrait laisser penser, il ne s’agit pas d’une nostalgie d’un vieux temps immémorial, « bon » par définition et autre « âge d’or ». En effet, Jean-François Duvic intègre la démarche historienne en replaçant très souvent et du mieux possible de la chronologie. Si la période qui précède l’installation romaine est, sauf exception, absente, le Moyen Âge, en particulier à partir de l’installation des cisterciens à Léoncel en 1137 ou bien les différents épisodes des rivalités et des guerres entre les évêques de Valence et les principales familles nobles, dont les Poitiers, avant l’intégration au Dauphiné puis au royaume de France, est bien plus largement étudié. Le XVIe siècle fut un autre temps fort et l’auteur montre l’importance du protestantisme, peut-être préparé par le valdéisme médiéval. Les guerres de religion puis la répression à partir de l’édit de Fontainebleau (1685) et encore au XVIIIe siècle ont durablement affecté la vie de la Raye. Selon lui, il y aurait une continuité avec l’esprit d’opposition qui a ressurgi en 1851 et peut-être pourra-t-on trouver la généalogie un peu trop linéaire. En effet, le cas de Peyrus montre que la sociologie « somme toute assez peu agricole, aux emplois artisanaux, ouvriers et commerçants majoritaires » mettrait en avant d’autres éléments explicatifs que la seule « mémoire » pour expliquer l’opposition au prince-président[1].

Cet ouvrage de très belle facture, richement illustré avec des paysages et des vues actuelles principalement mais aussi avec des cartes postales anciennes et d’autres illustrations, par-delà l’introduction intitulée « passages » où le projet du livre est présenté, débute par une première partie « paysages ». Celle-ci entend embrasser de manière large la Raye en étudiant sa géomorphologie car elle a une place majeure pour expliquer la question de l’eau si importante, d’où les moulins, les canaux et les puits, ou la nature des roches (le calcaire, la molasse et le tuf) ainsi que les formations végétales mais tout cela sans déterminisme.

Car une des qualités de l’ouvrage est d’exposer les travaux et les jours des sociétés humaines plus ou moins étendues. Ceci ressort dans la plus importante partie, « villages ». Les recherches de deuxième main ainsi que les témoignages oraux recueillis permettent de comprendre les logiques à l’œuvre et ce qui donne tout à la fois une certaine unité à la Raye mais tout en soulignant les particularités de chacun des villages. Ainsi, Peyrus était un village de drapiers » singulier par la densité des activités manufacturières en particulier autour du travail de la laine des troupeaux d’altitude. Dans ce cas, une authentique industrie rurale apparaît nettement. Ce faisant, Jean-François Duvic dresse des portraits d’entrepreneurs notables (ou des notables entrepreneurs) et, bien plus, de dynasties familiales qui pouvaient également tenir les municipalités. Ainsi, il pondère les « démocraties rurales » que Pierre Barral[2] observait mais à une autre échelle et la Raye serait plus proche du type de Saint-Julien-en-Quint tout proche étudié par Philippe Vigier[3].

« Héritages » prolonge des éléments présents dans « villages » en mettant la focale sur des lieux, des personnes, des moments mais peut-être pourra-t-on regretter de ne pas pouvoir toujours les situer chronologiquement. D’ultimes récits composent « Hommages ».

Il en ressort un livre enchanteur qui trouvera un public marge de fait de la multiplicité des approches combinées et, surtout, qui donnera envie de parcourir la Raye avec Mémoire en poche (mais il faudra une large et solide poche !).

 


[1] Concernant le monde des artisans à durant l’époque moderne, on se reportera à Alain Belmont, Des ateliers au village. Les artisans ruraux en Dauphiné sous l’Ancien Régime, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 1998.

[2] Pierre Barral, Les agrariens français de Méline à Pisani, Paris, Armand Colin, 1968.

[3] Philippe Vigier, Essai sur la répartition de la propriété foncière dans la région alpine. Son évolution des origines du cadastre à la fin du Second Empire, Paris, SEVPEN, 1963.

Recension

Nelly Valsangiacomo et Jon Mathieu [dir.], Paysages sensibles. Toucher, goûter, entendre, sentir, voir les Alpes, Lausanne, Éditions Antipodes, 2023.

 

Ayant pour cadre géographique l’ensemble du massif alpin, essentiellement depuis la Suisse ou les territoires montagnards limitrophes, Paysages sensibles provoquera bien des interrogations en résonnance à propos des territoires d’altitude de l’ancienne province du Dauphiné. En effet, dans une approche du sensible, l’ouvrage se propose d’identifier ce que signifie « Toucher, goûter, entendre, sentir [et] voir les Alpes » et par conséquent d’appréhender avec de nouveaux questionnements le patrimoine culturel immatériel dans une perspective pluridisciplinaire (ethnologie, musicologie, littérature) et ouvertement transnationale. Une partie des références épistémologiques anglo-saxonnes se rattachent aux récentes sensory studies mais plusieurs auteurs des six articles rassemblés expriment également leur dette auprès des travaux d’Alain Corbin qui a interrogé les différents « systèmes d’appréciation » que sont la vue, l’odorat, les sonorités…[1]

Le point commun des textes consiste à explorer les « expériences corporelles dans un espace donné » d’une part par leur force à renvoyer auprès d’un territoire spécifique, d’autre part en dégageant le fait qu’elles ont une histoire, les unes s’atténuant progressivement (les viandes séchées à base de chèvre) tandis que d’autres émergent dans le nouvel environnement (le bruit des hélicoptères ou celui de l’intense circulation routière dans les vallées conduisant aux pollutions visuelles et olfactives conséquentes).

Le texte programmatique de Nelly Valsangiacomo et de Jon Mathieu qui ouvre le recueil, en plus de placer la réflexion dans les champs historique, montre également que des archives enregistrant les perceptions nouvelles au contact des Alpes remonteraient au XVIe siècle avec les textes de Conrad Gessner, lequel fut suivi par d’autres auteurs qui se multiplièrent lors du « Rush [touristique] to the Alps » au XIXe siècle.

Les différents sens sont convoqués et Claude Reichler entame leur analyse par le toucher qui permet d’entrer dedans le paysage. Ce fut au XIXe siècle qu’Arnold Rikli développa une analyse faisant de la sensation physique la condition d’accès à l’environnement. Les effets du soleil sur la peau ou ceux des cailloux sous la voûte plantaire furent les intermédiaires pour s’insérer dans le milieu alpin. Le docteur suisse Auguste Rollin s’inscrivit dans le prolongement de cette approche. Cela eut des conséquences quant au choix des vêtements qui devaient être portés – ou pas – afin de fréquenter les Alpes.

Isabelle Raboud-Schüle traite quant à elle le goût. Notre appétence pour le sucré a tendance à nous faire oublier d’autres saveurs emblématiques de produits identifiés à des territoires propres. Ainsi en va-t-il de l’acidité, mesurée, « recherchée pour assurer la bonne conservation des fromages et des charcuteries » qui se retrouve par exemple dans le sérac, lequel fut longtemps boudé avant de revenir sur le devant de la scène du fait de sa teneur importante en protéines. Elle serait également le marqueur de certains vins, hier rapidement qualifiés de « piquettes » mais retravaillés aujourd’hui et devenant un patrimoine gustatif valorisé. Ainsi, il n’y a pas un retour à l’identique mais une nouvelle élaboration contemporaine qui s’appuie sur un héritage. Il serait possible de développer le cas de l’amertume avec la gentiane, le génépi ou l’amaro à base de pissenlit. Avec la gastronomie apparaît une réflexion intéressante autour d’un jeu d’échelle entre une globalisation des goûts et, en même temps, la recherche d’une « typicité » caractéristique d’un patrimoine localisé (y goûter c’est en être et y être) et d’une transformation des goûts dans le temps.

Beat Gugger a tenté de traiter des parfums des Alpes. La démarche est pertinente tant l’odorat a une force évocatrice et puissante. L’auteur est cependant contraint d’élargir son propos au domaine de l’air alpin. Ici encore, des fragrances classiques renvoient par exemple aux essences résineuses si importance au début du XIXe siècle dans le discours médical autour des problèmes respiratoires tandis que d’autres, comme les odeurs des graisses des installations de ski sont tout aussi évocatrices, quoique différemment. Selon l’auteur, la recherche du « bon air » des Alpes, frais et « naturel », prendrait naissance durant la seconde moitié du XVIIIe siècle dans la volonté de se différencier et même de s’opposer aux fards et parfums musqués des élites et des cours. L’air serait-il politique (et ne parle-t-on pas de « l’air de la liberté tandis que le maréchal Pétain humait un « vent mauvais » dès août 1941) ?

Auteur d’un second texte, Nelly Valsangiacomo, à la suite d’Alain Corbin et des Cloches de la terre[2], traite des « régimes sonores des Alpes » constitutifs d’un paysage, eux aussi. Les « taiseux » de même que le « chant » des rivières ne sont pas propres ni aux Alpes ni aux montagnes ; toutefois, qu’il s’agisse des cascades, des échos rebondis sur les parois, il y aurait des marqueurs des espaces escarpés. De même, le sifflement des marmottes, les cloches des vaches ou le chant des hommes comme le yodel ou simplement leur manière de s’adresser à leurs animaux (force, répétition…), le bruit des canons à neige la nuit informent des transformations historiques des groupes humains qui y vivent.

Enfin, Bernhard Tschofen porte sa réflexion sur ce que signifie « voir les Alpes ». Ici encore, la seconde moitié du XVIIIe siècle aurait vu une inflexion se mettre en place avec la construction du terme de « panorama » en allemand. L’auteur attire notre attention quant au fait que le régime des routes se modifie : l’apparition de celles « touristiques » fit qu’elles « n’obéissaient plus à des exigences de circulation et orientaient leur tracé selon les critères d’une esthétique dictée par la voiture en tant que véhicule médiatique de la découverte du paysage ».

Ainsi, entre suggestions, propositions et explorations, Paysages sensibles stimule la réflexion sur l’espace alpin et invite à la consolidation ainsi qu’à l’élargissement de la notion de patrimoine.



[1] Pour mémoire, on pourra notamment citer Le miasme et la jonquille. L’odorat et l’imaginaire social XVIIIe-XIXe siècles, Paris, Aubier-Montaigne, 1982 ou encore Le territoire du vide. L’Occident et le désir de rivage, Paris, Aubier, 1988.

[2] Alain Corbin, Les Cloches de la terre. Paysage sonore et culture sensible dans les campagnes du XIXe siècle, Paris, Albin Michel, 1994.

Prochaines sorties de l’association

 

– samedi 5 octobre, Assemblée générale de Patrimoines de l’Isère à Venon.
 
– samedi 23 novembre à 10h, visite du Musée dauphinois pour Patrimoines de l’Isère.

 

Sortie du 5 mai 2024 au château de Serrières à Trept – Photographie R Verdier.

Dernier compte-rendu de CA (novembre 2022)

La prochaine sortie des membres de l’Association

La prochaine sortie se déroulera sur la commune de Varces-Allières-et-Risset. Le programme et le bulletin d’inscription sont téléchargeable ci-dessous.

Les dernières sorties des membres de l’Association

La visite du château de Charmes (16/04/203)

La visite de Vif (18/09/2022)

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    Église Saint-Jean-Baptiste de Vif, pierre tombale en réemploi dans un contrefort méridional
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    Vierge de Miséricorde, Notre-Dame du Genevrey de Vif
 

Photographies Christine Capelli-Vicherd et Bernadette Bellon 

État d’avancement de la revue

 

La revue N° 32 / 2021 est dans sa phase terminale. Elle va permettre la publication des actes du colloque « Des Historiens aux Archives : les surprises de la recherche », mettant le nouveau bâtiment des Archives Départementales de l’Isère ayant accueilli cet événement.  

 

 

Patrimoine de l’Isère – Colloque Archives 2022

– samedi 5 octobre, Assemblée générale de Patrimoines de l’Isère à Venon.
 
– samedi 23 novembre à 10h, visite du Musée dauphinois pour Patrimoines de l’Isère.